Sommes-nous vraiment juste des imbéciles ?
Article écrit en réaction au billet de Psykotik "Nous sommes tous des imbéciles".
Il me semble un peu naïf de croire qu'il suffit de restreindre le droit de vote à une élite pour que tout devienne beau et juste. A moins d'établir une police des pensées assez sévère, tu te retrouves avec moins de gens qui votent, mais avec les mêmes contradictions. Y'a des gens à droite et des gens à gauche, y'en a qui veulent promouvoir le néo-libéralisme et d'autres le socialisme, et ainsi de suite --même parmis les gens éduqués. Les gens qui écrivent dans le Temps, le Courrier ou l'Agefi sont tous éduqués, ils ont tous une vision large des problèmes politiques, etc. N'empêche qu'ils ne sont pas toujours d'accord. Et puis, après tout, le clan Bush constitue une certaine forme d'élite qui a fait de la politique son métier, non ? Je suis persuadé qu'ils rêvent comme toi de pouvoir écarter le peuple du pouvoir. Donc ton rêve n'est pas loin de se concrétiser. ;-)
Il me semble que, pour que ton système puisse fonctionner, ton "élite politique éclairée" devrait obligatoirement être étroitement formattée suivant tes valeurs et tes croyances. Sinon je ne vois pas de différence fondamentale avec le système actuel. Et évidemment, se pose la question : pourquoi faudrait-il que ce soit toi (= tes valeurs) qui décide de l'avenir du monde ? Qui décide de ça ? Comment ? Par votation populaire ou élitiste ? Mais quelle élite ? Celle de ton choix ? Les gens qui ne sont pas d'accord avec toi auraient-ils le droit de prendre part à cette élection ?
Prends un peu de recul. Si Kerry avait gagné (il s'en est fallu de relativement peu, après tout), tu n'aurais pas tenu d'aussi noires théories. Par contre, un partisan de Bush l'aurait certainement fait. Le problème vient du fait qu'aucun des deux n'accepte que tout le monde ne soit pas de son avis. Et au nom de cette frustration, tous deux sont prêts à écarter des millions de personnes de la vie politique, dans l'espoir de pouvoir imposer plus facilement sa vision du monde.
Désolé, mais moi je ne peux pas cautionner cette approche. Ce n'est pas moi qui t'apprendrai que "la saleté fait partie de la vie" et que vouloir tout contrôler au nom d'une vision unique relève d'une pensée... kitsch ! Je ne peux pas croire que ce soit moi qui te dise ça. ;-)
L'important n'est pas qu'une vison du monde l'emporte sur l'autre. Au contraire : l'important est que ces différentes visions du monde continuent de se contredire, de s'opposer, pour que se perpétue une dialectique, une tension dynamique, un équilibre précaire entre changement et stabilité, qui est l'essence même de la vie.
Parfois, quand j'entend les théories (parfaitement anodines) de certaines personnes de mon entourage, j'en ai mal au ventre. Mais malgré ça, je maintiens que même les plus gros beaufs ou les pires extrêmistes doivent avoir le droit de s'exprimer sur ce qui se passe dans le monde. Parce qu'en fin de compte, ces personnes font partie du monde également, et c'est aussi leur vie (au sens large) qui est en jeu. Il faut traiter les gens comme une fin, et non comme un moyen (c'est Kant, je crois). Si on les écarte simplement d'un revers de la main sous prétexte qu'ils nous empêchent de construire notre société idéale, on est sur la même pente que n'importe quel dictature. Parce qu'alors on traite les gens comme des objets (des obstacles tombés sur la route de nos rêves, à balayer sans états d'âme) et non comme des êtres humains à part entière.
(Tiens, ton énumération de l'état politique des cinq continents se conclut sur la suprématie de l'Antarctique, et pourtant la description que tu donnes de l'Europe ne semble pas trop éloignée de ton idéal, non ? Construite par le haut.)
Commentaires
On discute par blog interposés, maintenant ? ;)
Rentrons dans le lard du sujet directement : la démocratie n'est pas le seul système politique. Il faut savoir s'extraire du moule bien pensant, condamnant et taxant tout déviant s'y opposant de dictateur, de réactionnaire, ou autre. Le premier à parler d'un système d'élites éclairées, c'était Platon. Il a vécu dans un contexte totalement différent du nôtre, ce qui signifie qu'il s'agit d'adapter cette idée à notre contexte.
Un exemple théorique de l'échec de la démocratie : Hitler, 1933. Il n'a jamais été élu, comme certains journalistes/cinéastes se plaisent à penser, mais lors de sa nomination au poste de Chancelier, il se trouve que son parti était le premier d'Allemagne, et en perte de vitesse (relative). Le bon et gentil peuple, ayant accès depuis 20 ans au suffrage universel (Allemagne de Weimar) a plébicité un type qui déclarait toutes ses intentions les plus abjects dans un ouvrage. Mein Kampf n'a ému que quelques élites européennes, et certains quotidiens allemands (des journaux communistes, bien sûr). Donc admettons que le peuple aie choisi démocratiquement Hitler, devrait-on l'accepter, sous prétexte que c'était de la démocratie ?
Un exemple pratique : Algérie, 1992, premières élections libres et démocratiques. Le FIS, qui se transformera en GIA, gagne les élections. C'était un parti clairement islamiste, des fous furieux d'Allah, adeptes de la lecture littérale du Coran. Les masses ayant portées un leader anti-démocratique, l'Etat utilise toutes les ficelles possibles pour invalider cette élections. On ne l'acceptera pas, et l'Algérie tombe en guerre civile.
Dernier exemple : Bush, 2004. Tout le monde a les cartes en mains, sait (ou peut savoir) exactement qui est Bush. Menteur, voleur, unlatéraliste, les masses sont trop connes pour comprendre qu'il ne les défendra pas (ou mal) face à l'islamisme. Les masses sont trop connes pour comprendre que leur pays est en train de plonger dans un gouffre financier, qu'on va privatiser leur retraite, qu'on va en mettre pleins sur la paille. Pourquoi ? Un savant mélange de mésinformation et de stupidité, certainement. Mais il se trouve que ce choix portera à conséquence sur le monde entier, Kyoto n'étant pas près d'être ratifié, l'unilatérisme remis au goût du jour, la guerre préventive avalisée.
Alors bien sûr, oser dire que la plupart des votants sont idiots (et pas seulement sur cette votation cruciale) peut me faire passer pour un aspirant dictateur, qui veut que ce soient MES idées qui passent avant tout : eh bien non, je crois en la capacité humaine à évoluer, j'ai foi en l'homme. Seulement, il lui faut parfois un coup de pied au cul, ou plutôt, disons, une carotte : cette carotte, c'est le permis de voter.
Si je me suis lancé dans la politique, c'est parce que je suis prêt à accepter les arguements opposés, les débats contradictoires. Mais quand personne ne s'y intéresse, et va malgré tout donner son opinion dans l'urne, c'est qu'il y a quelque chose de pourri. Ce n'est pas un souci d'éviter la pluralité, au contraire, mais de simplement éduquer les masses. Je pourrais d'ailleurs émettre les mêmes critiques face aux examens de conduire : c'est dégueulasse, il y a des gens qui doivent passer un permis. Et pourtant, c'est exactement ce qui aurait évité les 3 problèmes cités en exemples, histoires où la démocratie a été pris en défaut, avec des répercutions inacceptables pour l'humanité.
(Pis l'Europe commence à se contruire par le bas, avec un référendum sur la Constitution en France, je suis curieux de voir ce que ça va se donner. Jusque là, c'était mon idéal.)
Bon, d'accord : la démocratie a ses couacs, tes exemples sont assez clairs. Mais bon, aucun système politique n'est parfait. Faut-il vraiment jeter le bébé avec l'eau du bain ? Ca semble être ton approche (après tout, quand tu écris "nous sommes tous des imbéciles", tu pars du principe que 100% d'Américains ont voté Bush, ce qui est évidemment faux; près de la moitié d'entre eux "ne sont pas des imbéciles"), mais j'ai tendance à me méfier.
Le premier paragraphe de mon précédent message tient toujours debout. Même si tu instaures un "permis de vote", tu te retrouves avec des gens éduqués qui ont des valeurs diverses, voire opposées, et qui tirent chacun la couverture de leur côté. Autrement dit, le résultat des votations pourrait très bien à nouveau déboucher sur du Bush. La politique est un domaine trop vaste, avec beaucoup trop d'enjeux et d'implications, pour croire qu'il est possible d'en évacuer tous les intérêts personnels. Les gens ont des croyances et des valeurs dont les racines plongent bien au-delà d'un examen pour permis de vote. Donc je ne suis pas sûr, encore une fois, que ce système s'avère plus satisfaisant (de ton point de vue) que le système actuel. Sans compter toutes les alliances qui se feront beaucoup plus facilement et qui auront beaucoup plus de force, étant donné qu'elles se joueront entre un nombre plus restreint d'individus...
Chiant qu'on puisse pas quoter dans un blog de geek :(
En réfléchissant et sans t'opposer doctrinalement à mes intentions (qui sont somme toute théoriques, aucun pays au monde n'acceptera jamais cela), tu peux comprendre assez facilement que je ne pense pas une seule seconde que TOUT le monde est idiot, puisque je parle "d'oligarchie" (mais pour le coup, vraiment pas dans un sens aristotélicien), et non de dictature. Un quotidien suisse (il me semble que c'est la "liberté", mais c'était peut-être un français) a affiché le 3 novembre "Comment 52'600'342 [chiffre à la louche] d'Américains peuvent être aussi bête ?" C'est très provoc, mais il y a des fois où il faut savoir mettre les couilles en avant. Il y a des choses pour lesquelles on ne transige pas, comme par exemple l'extrême droite. Lorsque Jorg Haider en Allemagne est arrivé au pouvoir (Chancellier), l'Union Européenne, par le biais de pressions informelles et donc anti-démocratiques, l'a obligé à se retirer. Sous prétexte de liberté, on devrait accepter les ennemis de la liberté ? Pas pour moi, merci.
Quant à la complexité de la politique, et le champs d'enjeu égoïstes qu'elle représente, j'abonde dans ton sens. Simplement, puisque l'on part du principe que c'est des masses qui continueraient à voter (je ne vois pas pourquoi il y aurait moins de 70 % des gens qui n'auraient pas ce permis), et partant du principe que tu ne peux qu'avoir une petite minorité de gens ayant des intérêts directs, eh bien le résultat serait diamétralement opposé.
Dans la plupart des pays du monde, on part du principe que les gens doivent recevoir une éducation; pourquoi passer l'éducation civique à la trappe ? Oui, elle se fait (enfin, dans l'extême majorité des pays), mais à un âge où tu t'en fous. Il faut la déplacer à un âge où tu es en état d'appréhender les tenants et les aboutissants, et je ne vois pas ce qu'il y a de si choquant à vouloir éduquer les gens. Je ne vois pas pourquoi le vote devrait être un droit inaliénable, insoumis à quelques restrictions que ce soit. Si tu me prouves que le permis de conduire ne devrait plus être soumis à examen, j'accepterais que le permis de vote soit une foutaise anti-démocratique.
Bah je sais pas. Lorsque je parlais de la complexité des enjeux derrière toute décision politique importante, je ne pensais pas (seulement) à des intérêts égoïstes ou personnels. De façon plus large, les gens ont des valeurs différentes, placent des priorités dans un ordre différent, etc. C'est ce que je disais quand je parlais des positions différentes des journalistes du Temps, du Courrier ou de l'Agefi. A priori, je ne soupçonne aucun d'entre eux d'être pourri ou de mauvaise foi. Mais ils ne partagent pas la même vision du monde, et ils votent (très probablement) différemment.
Ceci dit, même si je continue de trouver le concept de "permis de vote" un peu choquant, je ne peux qu'approuver, sur le principe, ton souhait de voir les gens plus conscients des choix qu'ils font en politique.
nous sommes tous des imbéciles
Je vois en ce moment vomitif par excellence, peut-être trois périodes différentes dans les relations d’après-guerre avec les USA. La première concernerait les “USA grandpa”, qui dans une lancée idéaliste wilsonnienne, totaleme...
Il existe de vrais arguments en faveur d'un permis de voter. On en trouve de nombreux sur le site www.permisdevoter.fr
Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi vous pensiez que la démocratie était le meilleur régime possible? Ne serait-ce pas autre chose qu'un préjugé qu'on rerracher sans tâcher de comprendre la cohérence théorique de cette idéologie?
Le permis de voter est une solution démagogique. C'est une proposition du royaliste Yves-Marie Adeline que l'illuminé de Claude Vorillon ne renirait pas non plus avec sa "géniocratie" où seuls les êtres dotés d'un gros QI pourraient voter pour élire les personnes les plus intelligentes.
Dire qu'il y a meilleure que la démocratie c'est pas crédible comme argument. On cependant sans doute tous d'accord pour l'améliorer dans le bon sens.
L'école étant obligatoire jusqu'à 16 ans, il y a des cours d'éducation civique au collège qui expliquent les choses fondamentales et nécessaires.
le permis de vote serait vraiment injuste et anti-démocratique. Lorsque l'on voit le nombre d'abstention à certaines élections aussi, il y a de quoi s'interroger aussi.
Je serait d'accord cependant pour sanctionner l'abstention et comptabiliser le vote blanc.
J'ai été sur le site et j'ai lu. Il n'y a de véritables arguments. Guy Bedos disait qu'il fallait le permis de voter aussi.
Et bien, je dis que c'est anti-démocratique et que certains extrêmistes dangereux et sectaires comme Vorillon peuvent en profiter.
Voter est un droit et un devoir et doit le rester ni plus ni moins.
Ajouter un commentaire