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Blueberry

de Jan Kounen
2004

Etonnant western chamanique et initiatique magnifié par des images et une musique somptueuse. Une histoire mystique qui est avant tout une quête intérieure et rédemptrice. Expérience sensorielle et viscérale, Blueberry est un film qui se vit, qui se ressent, mais ne s'explique pas forcément. C'est un film plutôt contemplatif, qui traite du chamanisme et de l'expérience mystique, et à ce titre, ses images se situent au-delà du monde rationnel, tout en véhiculant de nombreux niveaux de significations, à la fois communion avec le monde et réconciliation avec soi-même. Pari audacieux que ces longues séquences hallucinées qui sont offertes à la libre compréhension du spectateur, dans toute leur beauté énigmatique et symbolique. Pari audacieux maix risqué : il n'y a qu'à voir la réaction de certains spectateurs. Bref, on aime ou on déteste, on trouve le film profond ou creux, suivant sa propre implication dans le film, suivant ses propres préoccupations. Les acteurs sont bons, et les effets de transe sont d'une beauté et d'une richesse visuelle stupéfiante. (Note : la version originale est en anglais, il est vraiment dommage qu'elle ne soit pas diffusée à Genève.)

Je développe un peu, car il me semble que ce film est victime d'une incompréhension vraiment regrettable :

Les reproches adressés à Blueberry concernent principalement les scènes de transe mystique, soit-disant incompréhensibles (voire totalement dénuées de signification, selon ceux qui savent bien qu'il n'y a RIEN au-delà de leur compréhension —saluons leur humilité au passage). Mais il faut se poser la question suivante : était-il possible d'aborder le sujet autrement ? Peut-on traiter rationnellement d'une expérience qui relève fondamentalement de l'irrationnel, du dépassement de soi et de la redécouverte du monde ? A mon avis la réponse est non. Pas si on veut traiter le sujet avec sincérité et passion, comme le fait Jan Kounen. Ou alors, dans le cas contraire, on fait un film qui se limite à réduire le chamanisme à des phénomènes triviaux, à des concepts répertoriés par notre culture rationnaliste (réactions chimiques des drogues qui altèrent les terminaisons nerveuses, etc), et on débouche sur un film qui ne fait que renforcer l'illusion de toute puissance de l'approche qui est la nôtre —soit l'exact contraire d'une remise en question. Se basant sur son propre vécu parmis les chamanes, Kounen choisit, au contraire, de nous faire entrevoir une autre façon de penser notre relation au monde, aux autres et à soi-même. On peut parfaitement ne pas adhérer à ce genre d'approche, mais il me semble qu'il faut néanmoins reconnaître que son approche n'est pas seulement de la poudre aux yeux, qu'elle procède d'une démarche sincère et réfléchie. Sur cette base, on peut se demander si le côté "western" du film ne devient pas un simple prétexte, un décor arbitrairement choisi. Je pense néanmoins que ce choix est tout à fait valable, dans la mesure où il montre l'homme occidental aux frontières de son propre monde, en confrontation avec une autre culture (les Indiens), une autre façon de voir le monde, une autre façon d'être. Et comme mis à nu, au milieu de ces paysages démesurés qui le révèlent dans son être même, ses forces, ses faiblesses et ses contradictions. Pour moi, ce film est une construction riche, intelligente et puissante, et je regrette vraiment son échec commercial, en souhaitant que le temps lui apporte une meilleure reconnaissance.

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