
Mes jeux vidéo de 2019
Je profite de cette nouvelle année pour dépoussiérer un peu mon blog et faire le tour des jeux les plus notables ayant ponctué mon année 2019. (Je précise que tous les jeux mentionnés ici ne sont pas nécessairement sortis en 2019, mais c'est en 2019 que j'y ai joué pour la première fois.)
Incapable de me restreindre, j'ai fini par rédiger l'article le plus long de l'univers, m'assurant ainsi que personne ne le lira. Malheureuse lectrice, infortuné lecteur, j'en suis sincèrement désolé. Sache qu'il est encore temps de faire demi-tour : personne ne te jugera.
OK, trêve de prologue. Allons-y par ordre chronopersonologique.

Sunset Overdrive
- Année
- 2014
- Progression
- Terminé
- Appréciation
- On rigole bien
Très sympathique découverte (pour moi) que cette ex-exclusivité X-Box, sortie en 2014 mais portée sous Windows fin 2018 seulement. Dans une ville vaguement futuriste, la méga-corporation FizzCo organise une méga-soirée de lancement pour sa nouvelle boisson énergisante. On découvre rapidement que FizzCo n'a pas respecté absolument tous les protocoles sanitaires dans le développement de sa boisson, et tous ceux qui en boivent se transforment en mutants couverts de pustules géantes et assoiffés de cette même boisson. La ville est mise sous quarantaine par FizzCo, qui dispose de sa propre force de maintien de l'ordre (robotisée) et tente d'étouffer l'affaire par tous les moyens possibles, et notre héros va devoir trouver un moyen de s'en échapper.
Combinant une esthétique bon enfant avec des monstres qui explosent dans tous les sens, Sunset Overdrive est un jeu à 100 à l'heure qui ne cherche pas à pénaliser outre mesure le joueur maladroit. Le but est clairement de s'amuser, et le jeu multiplie les personnages hauts en couleurs et les missions absurdes en dotant le joueur d'un arsenal invraisemblable (on canarde les monstres à coups de vinyles 33 tours, d'ours en peluche fourrés au TNT, ou encore de feux d'artifices chinois, pour n'en citer que quelques uns), le tout nappé d'un humour omniprésent et volontiers méta. Mention spéciale aux animations de respawn, toujours très drôles (et le personnage principal qui se retourne vers nous et donne un grand coup dans la caméra pour qu'elle soit moins proche de lui, je ne m'en lasse pas).

Monster Hunter: World
- Année
- 2018
- Progression
- Infinie
Je me tiens généralement éloigné des "jeux en tant que service", d'une part parce que je préfère généralement les jeux en solo (de préférence avec une histoire bien construite), d'autre part parce que je me méfie d'un produit dont le but avoué est de "fidéliser" les joueurs afin qu'il continuent de jouer le plus longtemps possible (et des manipulations psychologiques qui y sont souvent associées). Monster Hunter: World aura été l'exception —et une exception plutôt agréable, quoique chronophage. Le fait que l'on puisse y jouer en solo aura certainement fait pencher la balance, et si je ne suis pas allé jusqu'au bout de la campagne proposée, j'ai quand même passé plusieurs dizaines d'heures avec un plaisir indéniable. (Je compte quand même continuer, ne serait-ce que pour atteindre le niveau qui me permettra de jouer en tant que Geralt de Rivia —un exemple parmi d'autres des événements cross-over organisés par Capcom en collaboration avec d'autres studios.)
Il faut dire que même si la boucle principale de jeu est très visible et très répétitive (préparation, chasse, combat, récompenses, et on recommence), elle s'assume comme telle et les mécaniques qui la sous-tendent sont d'une profondeur telle qu'il est difficile de s'y ennuyer. Les environnements dans lesquels on évolue sont peu nombreux mais d'une richesse et d'une complexité impressionnante, les monstres sont très distincts les uns des autres et nécessitent un véritable apprentissage si on veut en venir à bout (attaques, comportements, faiblesses, etc), de même que le maniement des armes ou la fabrication des pièges, potions et autres accessoires que l'on peut fabriquer à partir d'innombrables matériaux récupérés sur le terrain, et le jeu dose savamment la difficulté, introduisant régulièrement des monstres toujours plus coriaces, tout en laissant toujours au joueur la possibilité de se faire la main sur les monstres que l'on a déjà appris à connaître. Tout est mis en place pour que le joueur s'investisse activement dans la connaissance des mécaniques de jeu, et le sentiment de progression qui en résulte est assez grisant. Le tout dans ce mélange de réalisme et de mignonnerie dont les Japonais semblent avoir le secret (les monstres ont des bulles qui leur sortent du nez quand ils dorment !).

Return of the Obra Dinn
- Année
- 2018
- Progression
- Terminé
Angleterre, début du XIXe siècle. Alors qu'on le croyait perdu en mer depuis cinq ans, l'Obra Dinn est de retour au port. Seule ombre au tableau : tous ses occupants sont morts ou ont disparu. Le joueur incarne un agent d'assurance, dépêché par la East India Company pour estimer les dommages et déterminer le sort des différents membres d'équipages ou passagers du vaisseau fantôme.
Cinq ans après le très acclamé Papers Please, Lucas Pope revient sur le devant de la scène avec son nouveau jeu. Si on retrouve indéniablement sa patte minimaliste, notamment dans certains aspects de l'interface et dans son esthétique pixelisée (hommage aux jeux 1-bit des années 80), Obra Dinn se distingue nettement de son prédécesseur, que ce soit en terme de gameplay, de propos ou d'environnement. Concept, écriture, programmation, modélisation, illustrations, bruitages, musiques... Pope a réalisé lui-même la quasi-intégralité du jeu, à l'exception des voix, qui ont été confiées à des acteurs locaux. Mais au-delà de ce tour de force, qui suffirait déjà à forcer le respect, et malgré une apparence un peu aride au premier abord, le résultat est un jeu tout simplement enthousiasmant, et probablement l'un des meilleurs jeux d'enquête jamais réalisés.
Car oui, Return of the Obra Dinn est un jeu d'enquête. Mais contrairement à ce à quoi de nombreux jeux triple-A nous ont habitué, enquêter sous la direction de Lucas Pope ne consiste pas simplement à presser un bouton pour voir le monde aux rayons X, puis suivre des traces de pas affichées en surbrillance jusqu'à trouver la solution. Sur l'Obra Dinn, vous devrez faire preuve d'une véritable réflexion (gasp!) pour déterminer l'identité et le sort des 60 personnes disparues à bord du navire.
Ce travail d'enquête est donc le cœur du jeu, et il est délicieusement stimulant. Pour le mener à bien, vous disposez de divers documents (notamment le plan de l'Obra Dinn et le manifeste de ses occupants, ainsi que plusieurs illustrations sur lesquels tous sont représentés au moins une fois), ainsi que d'une montre à gousset surnaturelle qui vous permettra d'assister aux derniers instants de chacun des cadavres que vous trouverez. Il s'agit là de la mécanique principale du jeu, qui vous donnera accès à des scènes figées dans le temps, richement détaillées, souvent étonnantes ou impressionnantes, dans lesquelles vous pouvez vous déplacer librement dans l'espoir d'y dénicher des indices vous permettant de déduire l'identité, la fonction ou le sort des personnes qui y figurent.
La tâche est loin d'être aisée, et une approche en force brute n'est pas viable, le jeu ne validant les réponses correctes que par groupes de trois. Il va falloir faire travailler le cerveau et la mémoire. Certaines identités peuvent être trouvées par déduction, d'autres grâces à l'observation, tandis que les plus rétives demanderont d'y aller par élimination. Souvent il faudra combiner plusieurs approches de raisonnement.
Et plus vous progresserez dans l'exploration de ces scènes funestes, plus vous serez en mesure de reconstituer l'ensemble des événements pour le moins inhabituels ayant mené à toutes ces morts ou disparitions. Car ce n'est pas le moindre exploit de ce jeu que de parvenir à combiner des puzzles de réflexion aussi fins, et une histoire franchement spectaculaire, dont on se souviendra longtemps après avoir rendu notre rapport et clos ce dossier hors du commun.

Baba Is You
- Année
- 2019
- Progression
- Pas fini
Grosse sensation du jeu indépendant de 2019, Baba Is You frappe par son concept absolument génial, en proposant au joueur de jouer... avec les règles du jeu elles-mêmes. Déplacez votre personnage pour casser la phrase "wall is stop" présente sur le plateau de jeu (et constituée de trois blocs, un pour chaque mot), et vous pourrez soudain traverser les murs. Remplacez la phrase "Baba is you" par "Rock is you", et soudain vous ne contrôlez plus Baba le petit chien (?), mais vous contrôlez tous les rochers présents sur le plateau de jeu. Chaque niveau est donc un puzzle qu'il faut résoudre en manipulant les règles qui dictent la manière dont le jeu fonctionne, jusqu'à obtenir la situation de victoire. Cela implique non seulement de garder les règles à l'esprit, mais aussi de tenir compte de ce que les règles pourraient être dans une phase ultérieure du jeu, et des possibilités que ces nouvelles règles ouvriraient... notamment pour changer les règles à nouveau, d'une manière qui n'est pas possible initialement.
En terme de mindf*ck vertigineux, Baba Is You n'a donc pas beaucoup de concurrence. Malheureusement, ce concept brillant reste très squelettique dans sa présentation (le jeu est issu d'une game-jam et cela se sent), et pour quelqu'un qui (comme moi) aurait du mal à entrer dans la logique du jeu et donc se retrouverait souvent coincé dans un niveau, la motivation pour continuer à jouer s'évapore assez rapidement.
Je prends souvent comme exemple Opus Magnum, un autre jeu de puzzle dans lequel il faut assembler des machines, puis les programmer, afin qu'elle puissent manipuler et transmuter des éléments. Le jeu est également très cérébral et pourrait paraître aride (exigeant du joueur une démarche qui s'apparente à de la programmation informatique), mais ses différents puzzles s'inscrivent tous dans une trame narrative simple mais efficace qui m'a réellement donné envie de connaître la suite et donc de persévérer dans la fabrication de ces machines.
Un tel dispositif fait cruellement défaut à Baba Is You, ce qui est d'autant plus regrettable que son concept de gameplay se prêterait magnifiquement bien à un scénario jouant sur des notions méta-diégétiques qui pourrait être absolument brillant. Question de sensibilité bien sûr, et cela n'a pas empêché le jeu de connaître un joli succès, dont je me réjouis sincèrement. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a là une petite occasion manquée.

Sekiro: Shadows Die Twice
- Année
- 2019
- Progression
- Platinum :)
- Appréciation
- Jeu de l'année
Jeu de l'année 2019 selon les Game Awards et moi-même, Sekiro: Shadows Die Twice est une production FromSoftware immédiatement reconnaissable en tant que telle (c'est toujours le même écran de titre !), mais qui se permet néanmoins de bousculer en profondeur la formule à laquelle les Dark Souls et autres Bloodborne nous avaient habitué. Exit la gestion de l'endurance, le mode multijoueur, l'immense choix d'armes et d'armures, ou encore l'aspect RPG. Le résultat est, à bien des égards, une expérience plus concentrée et beaucoup plus intense que les jeux précédents du studio.
Le combat, en particulier, constitue probablement le changement le plus drastique et la facette la plus polarisante du jeu. Tout le jeu se fait avec une seule arme, notre fidèle katana. On a bien le choix de certains accessoires (shurikens, lance-flamme, etc) qui peuvent influencer notre statégie face à certains ennemis, mais ils fonctionnent sur la base de munitions dont on ne peut porter qu'une quantité limitée, et par conséquent ils ne peuvent servir que de compléments à utiliser parcimonieusement. Pas question de sniper confortablement les ennemis à distance, le jeu impose le combat rapproché. On ne discute pas.
Principale mécanique du combat : la posture. Si l'on peut toujours essayer de blesser l'adversaire pour faire baisser sa barre de vie jusqu'à zéro, ce n'est pas la méthode que le jeu encourage. Il faut attaquer sans relâche l'adversaire, même s'il réussit très souvent à bloquer nos coups, car cela permet de faire monter sa jauge de posture, signe qu'on est en train de le déstabiliser. Si la jauge est pleine, on a une ouverture qui nous permet de porter un coup fatal, indépendamment du niveau de vie de l'adversaire (étant précisé que les boss ont généralement deux ou trois vies, donc il faut parfois répéter l'opération). La façon la plus efficace de remplir rapidement cette jauge de posture consiste à parer les coups de l'adversaire, c'est à dire les bloquer précisément au moment où ils vont nous toucher, prenant ainsi l'ennemi par surprise. Une stratégie high risk high reward qui nous force à sans arrêt chercher le contact avec l'adversaire, d'autant plus que sa jauge de posture va commencer à redescendre si on le laisse tranquille plus de quelques secondes. Dernière précision, et de taille : notre personnage, Sekiro, a lui-même sa barre de posture, qui va se remplir si on se contente de bloquer les coups sans les parer précisément. Impossible donc de jouer à la tortue en attendant un répit. Certes, une jauge pleine pour Sekiro n'a pas pour conséquence une mort immédiate, mais l'on se retrouvera quand même sans défense pendant quelques précieuses secondes, ce qui peut faire la différence entre la vie et la mort.
Ce principe suivant lequel la défense est un aspect essentiel de l'attaque est fascinant, et l'expérience de combat qui en résulte est probablement la plus intense et exigeante que j'ai jamais rencontré dans un jeu vidéo. Les attaques s'enchaînent avec une rapidité parfois fulgurante, imposant une concentration sans faille et des réflexes à la microseconde durant toute la durée de l'affrontement. Les contrôles très précis et les animations gracieuses et fluides transforment chaque combat en une danse sauvage, rythmée par le bruit métallique des sabres qui s'entrechoquent. Jamais autant que dans Sekiro je n'ai eu la sensation de vivre un duel au sabre.
Ce niveau de difficulté est étonnant pour un Game of the Year, mais cela ne fait que souligner la qualité du jeu, dont la réussite ne s'arrête pas au gameplay. Le monde de Sekiro est de toute beauté, son level design est fascinant, et quant à sa gestion de la caméra, elle est... OK, elle est parfois catastrophique dans le pire des moments, suivant la grande tradition des jeux de FromSoftware ("Le boss le plus difficile, c'est la caméra"). Aucun jeu n'est parfait, évidemment, et au-delà de cet aspect technique bien précis, tous les choix du jeu ne feront pas l'unanimité : à chaque fois qu'on meurt, on perd la moitié de ses points d'expérience et de son argent, une règle extrêmement punitive dont je ne suis vraiment pas fan (dans les jeux précédents, on avait au moins une chance de se refaire).
Le scénario est beaucoup plus accessible également, et n'importe quel joueur un tant soit peu attentif en comprendra au minimum les grandes lignes (ce qu'on ne peut pas dire de Dark Souls). On y retrouve les obsessions de Hidetaka Miyazaki sur la mort, le dépassement de soi, la corruption, autant de notions qui sont étroitement liées au gameplay lui-même (l'un des aspects remarquables de ses jeux). Il faut quand même préciser que sa profondeur réelle ne se dévoile qu'aux joueurs très investis : les quêtes annexes sont toujours aussi cryptiques, l'accès aux fins optionnelles est plus tortueux que jamais, et des pans entiers de l'univers du jeu sont dispersés dans des fragments de descriptions ou des détails environnementaux. Miyazaki reste visiblement attaché à sa narration-puzzle qui encourage l'imagination et récompense la curiosité.

DARK SOULS: REMASTERED
- Année
- 2011 (2018 pour le remaster)
- Progression
- Terminé
- Appréciation
- Tous les jeux me font penser à Dark Souls
Séance de rattrapage pour un jeu désormais culte, et qui fait sans aucun doute partie des jeux ayant le plus influencé le medium ces dix dernières années.
Je suis entré dans l'univers Dark Souls à rebours, ayant d'abord joué à Dark Souls III en 2018 (sans trop savoir à quoi m'attendre), puis à Sekiro en 2019. Deux jeux réalisés par le même studio et le même créateur que le Dark Souls original (respectivement FromSoftware et Hidetaka Miyazaki). Deux jeux acclamés, qui m'ont passionné et fasciné. Il était temps que je découvre ce mythique opus fondateur.
Il faut réussir à faire abstraction des graphismes passablement datés (couleurs ternes, textures grossières, lumières basiques), mais pour le reste, Dark Souls reste une véritable baffe, près de dix ans après sa sortie. Nageant à contre-courant des tendances de l'époque, le jeu se construit sur des parti-pris assez radicaux et assumés jusqu'au bout, qui renforcent grandement (et forcent, en fait) l'immersion du joueur.
Parachuté au cœur du royaume de Lordran, le joueur se voit privé de pratiquement tous les dispositifs que les jeux lui offrent habituellement pour lui faciliter la tâche. On n'a pas de carte : le monde nous est entièrement inconnu, il faut le découvrir pas à pas et apprendre à s'y repérer de l'intérieur —il n'en devient que plus réel. On n'a pas de marqueurs d'objectifs : si on veut atteindre un lieu en particulier, il faut d'abord le trouver par l'exploration, ou faire appel à sa mémoire si on l'a déjà croisé. On n'a pas de voyage rapide : chaque déplacement est une petite aventure potentiellement mortelle, à laquelle il faut se préparer. On n'a pas d'options de sauvegarde : les fameux feux de camp qui servent de checkpoint dans la progression sont autant de phares dans la nuit, et sont suffisamment espacés pour qu'on soit réellement soulagé lorsqu'on en trouve un. On n'a pas de journal qui liste tous les objectifs ou quêtes annexes qu'on est censé accomplir : il faut échanger des dialogues cryptiques avec différents NPC et explorer le monde pour progresser dans l'histoire.
Loin d'être des handicaps, tous ces choix forcent le joueur à s'investir activement dans le jeu et à s'approprier ses mécaniques. Et la principale parmi celles-ci réussit avec maestria à transmuter un sentiment de terreur en sentiment de puissance : lorsqu'on meurt, on recommence au dernier feu de camp qu'on a visité, et tous les monstres (toujours exactement les mêmes) sont ressuscités à leur point de départ (toujours exactement le même). La seule différence, c'est qu'on sait désormais qu'ils sont là, et on peut se préparer en conséquence. On apprend rapidement leurs schémas d'attaques, toujours remarquablement lisibles, et on peut les exploiter à notre avantage. Le sentiment de progression qui en résulte est grisant, enivrant même. On a soudain le sentiment de maîtriser le jeu. Et cinq secondes plus tard, l'écran iconique :
YOU DIED
Et on recommence au feu de camp. Tel un vieux maître aux longues moustaches blanches, sévère mais juste, qui nous dit "Tu as fait une erreur. Recommence," Dark Souls remet systématiquement à sa place le joueur un peu trop sûr de lui. Rares sont les jeux qui parviennent à faire alterner frustration et jouissance avec une telle fréquence. Et ce fut peut-être là l'une des plus grandes surprises pour moi : on associe souvent Dark Souls avec une notion de difficulté extrême, presque insurmontable, mais il me semble beaucoup plus intéressant de souligner à quel point le jeu fait confiance au joueur et lui rappelle subtilement, encore et encore : "Tu peux le faire." Et le plus incroyable, c'est qu'il a raison.
On peut également citer son système de combat riche et précis, sa pléthore d'armes, d'armures et de sortilèges, ses boss mémorables, sa narration obscure mais fascinante (et largement environnementale), ou encore son expérience multijoueur aux nombreuses facettes, élégamment intégrée au mode solo, qui permet l'entraide autant que la rivalité. Mais l'aspect le plus mémorable de ce jeu pour moi reste sans aucun doute sa géographie sinueuse et labyrinthique. N'importe quel joueur de Dark Souls se souvient de ce moment où, alors qu'on s'éloigne depuis des heures de Firelink Shrine, notre précieux camp de base, par des chemins tortueux et semés d'embûches, on emprunte un ascenseur sans savoir où il va nous mener, et on émerge... juste à côté de Firelink Shrine. Cet incroyable level design se retrouve malheureusement beaucoup moins dans les jeux suivants de FromSoftware, qui seront soit plus éclatés, soit plus linéaires, et c'est une des raisons pour lesquelles je considère Dark Souls, premier du nom, comme le meilleur opus de la série. Un véritable diamant noir.

Frostpunk
- Année
- 2018
- Progression
- Campagne terminée
Excellent jeu de gestion en temps réel, à la direction artistique tout simplement exceptionnelle (et cette musique !), Frostpunk vous catapulte dans un XIXe siècle alternatif, dans lequel l'humanité subit de plein fouet une nouvelle ère glaciaire. Le groupe de survivants dont vous avez la charge trouve un vieux générateur au charbon, autour duquel ils décident de s'installer.
Il faut construire et développer cette ville, avec tous les choix que cela implique : d'abord gérer les besoins les plus primaires (nourriture, chaleur, constructions), auxquels s'ajoutent progressivement toutes les problématiques liées au fonctionnement de la société (santé, éducation, développement technologique, maintien de l'ordre, etc). On doit aussi gérer le moral de la population, mesuré sur deux axes indépendants (espoir et mécontentement), dont l'évolution sera influencée par la façon dont notre société fonctionne, et aussi par des lois spéciales, plus ou moins populaires, que l'on peut passer pour orienter l'évolution de notre ville.
Faut-il permettre aux enfants de travailler dans les usines, ou au contraire les mettre dans des écoles au prix d'une baisse de productivité ? Faut-il ajouter une peu de sciure dans la soupe pour la rendre plus consistante en période de disette, ou vaut-il mieux rationner sévèrement la nourriture ? Faut-il enterrer les cadavres, ou les conserver pour des usages médicaux ultérieurs ? Frostpunk regorge de dilemmes moraux intelligemment intégrés aux mécaniques de gestion traditionnelles, et mis en valeur par des petites vignettes qui apparaissent occasionnellement et les ancrent dans des situations plus concrètes (message de remerciement d'un citoyen spécifiquement concerné par une mesure choisie, groupe de citoyens en colère, etc). (This War of Mine, le précédent jeu du même studio (11 bit), est également réputé pour son intégration fine et non-manichéenne de questions morales dans le cœur du jeu. Il faudra que j'y joue un jour.)
En parallèle, il faut explorer les vastes plaines glacées environnantes, dans l'espoir d'y trouver des ressources ou des survivants, qui aideront au fonctionnement de la ville et contribueront également à faire évoluer le scénario. Les campagnes se terminent par une jolie trouvaille visuelle : un bref épilogue narratif, généré dynamiquement en fonction des choix effectués au cours votre partie, et illustré par l'évolution de votre ville, sous forme de timelapse.

Observation
- Année
- 2019
- Progression
- Terminé
Situé à mi-chemin entre 2001 l'Odyssée de l'espace et Gravity, Observation est un petit jeu indépendant dont la grande originalité est de vous mettre dans la peau de... l'ordinateur de bord d'une station spatiale. Vous contrôlez donc les caméras de bord qui filment aussi bien l'intérieur que l'extérieur de la station, et votre tâche sera d'assister la protagoniste humaine et de l'aider à comprendre ce qui se passe. Par exemple, où sont passés tous ses coéquipiers. Ou encore... Où est-ce qu'on est ?
Le traitement visuel est la plus grande qualité de ce "space walking simulator". L'intérieur de la station (constituée de divers modules fournis par plusieurs nations, à la manière de l'ISS) regorge de détails et respire le réalisme. Idem pour toutes les interfaces qui vous permettront d'accéder aux divers systèmes de la station, dont l'esthétique spartiate, bien qu'elle soit évidemment fantaisiste, paraît généralement crédible. Ce réalisme s'arrête malheureusement au visage de votre interlocutrice, perdu tout au fond de l'uncanney valley, mais dans l'ensemble il faut quand même saluer le résultat visuel, particulièrement de la part d'un petit studio.
Le scénario est raisonnablement intriguant et maintient l'attention du joueur durant la grande partie du jeu, même si la fin semble un peu bâclée, et précédée d'une décision extrêmement lourde qui semble prise un peu trop facilement (je n'en dis pas plus pour éviter les spoilers).
Là où le bât blesse, c'est au niveau des puzzles que le joueur doit résoudre pour accéder et manipuler les différents systèmes de la station. Si certains d'entre eux sont plutôt réussis, un grand nombre s'avèrent assez peu intéressants et ont tendance à se répéter. Passé l'enthousiasme du début (la découverte de l'environnement, de ses règles et de ses mystères), on se retrouve face à un gameplay limité, assez laborieux et peu gratifiant. Le scénario m'a poussé à terminer le jeu car je voulais connaître le fin mot de l'histoire, mais cela ne s'est pas fait sans éprouver un certain ennui face aux tâches qui m'étaient imposées pour y accéder.

Control
- Année
- 2019
- Progression
- Terminé
- Appréciation
- Meilleur simulateur de destruction de meubles de tous les temps
L'un de mes favoris de l'année. Si le cœur du gameplay de Control est du simple combat à la troisième personne qui ne révolutionne pas le genre, c'est tout l'habillage du jeu qui le rend mémorable. On y... contrôle (badam-tss) Jesse Faden, une jeune femme à la recherche de son frère cadet, disparu durant leur enfance dans des circonstances étranges. Toute l'action se déroule dans un lieu nommé L'Ancienne Maison, un imposant bâtiment à l'architecture brutaliste situé en plein coeur de New York, et qui a la particularité de ne se dévoiler qu'à celles ou ceux qui le cherchent. L'Ancienne Maison est le QG du Federal Bureau of Control, agence secrète spécialisée dans l'étude des phénomènes paranormaux, mais elle existait bien avant que le Bureau s'y installe, et personne ne la comprend vraiment. À part peut-être Ahti, le concierge.
C'est ce contexte surnaturel, et volontiers surréaliste, qui constitue l'attrait principal de Control, sorte de croisement étrangement cohérent entre X-Files, Men in Black et l'univers de David Lynch. On y croise un pistolet vivant, un étrange et dangereux sifflement, une pyramide qui parle un langage inintelligible mais parfaitement compréhensible, ou encore un réfrigérateur qui peut vous tuer si vous le quittez des yeux une seule seconde. Les mystères de Control peuvent être comiques ou effrayants, et touchent au génie quand ils parviennent à être les deux en même temps. Il y a beaucoup d'humour, noir ou pince-sans-rire, que ce soit dans les situations ou dans les nombreux texte éparpillés un peu partout dans le jeu. Mais grattez un peu et vous retomberez toujours sur un sentiment d'horreur cosmique, la prise de conscience confuse de notre insignifiance face à un univers indifférent et dont nous ne comprenons pas réellement les lois. Control, c'est un peu comme si Lovecraft avait écrit Akira.
Visuellement, le jeu est un pur délice. L'architecture labyrinthique, fascinante et oppressante de l'Ancienne Maison est sublimée par des éclairages subtiles et des effets atmosphériques qui donnent une véritable présence au lieu. Et ce spectacle touche au délire durant les phases d'action, car la plupart des éléments du décors (murs et sols compris) peuvent être détruits dans une débauche d'effets de particules, de fumées et de gravats tournoyants, pour un résultat visuel et sonore digne des blockbusters hollywoodiens. J'ai sérieusement pensé à Matrix à plusieurs reprises durant le jeu (la fameuse scène de destruction du hall d'entrée d'un immeuble ultra-sécurisé), sauf qu'en plus, je volais au milieu des débris et des projectiles.
Point faible du jeu, les ennemis de base que l'on affronte tout au long du jeu sont assez inintéressants et génériques. Heureusement ce n'est pas le cas des boss que l'on croise ponctuellement, tous uniques, et dont certains sont réellement mémorables (telle cette ancre maléfique qui m'a donné l'impression d'affronter un Ange d'Evangelion). La difficulté est raisonnable quoiqu'un peu inégale.

Gorogoa
- Année
- 2017
- Progression
- Terminé
Petit jeu de puzzle à la mécanique originale et à l'esthétique "dessiné à la main" très élégante. On manipule des illustrations de format carré, dans lesquelles on peut zoomer ou se déplacer (de façon prédéfinie), et qu'il faut assembler ou juxtaposer afin de les faire communiquer visuellement, ce qui ouvre de nouvelle possibilités de manipulation, ou donne accès à d'autres panneaux. Le concept peut sembler simple au premier abord, mais s'avère étonnamment riche et subtil, et bien exploité globalement.
Le jeu développe une vague histoire un peu mystique au travers de ces images muettes et discrètement animées, et s'il est difficile de parler d'un scénario particulièrement ambitieux, il est en accord avec son gameplay, visuel et symbolique.

Hollow Knight
- Année
- 2017
- Progression
- Pas (encore) fini
Mettant en scène des personnages insectoïdes évoluant dans le vaste (mais minuscule) royaume souterrain de Hallownest, Hollow Knight est un jeu qui frappe par sa richesse et sa générosité. On y incarne un petit chevalier perce-oreilles anonyme et muet, à la recherche du "Chevalier Creux" et des mystères qui entourent ce royaume à l'abandon, et ses habitants frappés par une mystérieuse infection.
Le jeu est un mélange d'exploration, de combat et de platforming, le tout dans un style 2D aux graphismes élégants et soignés. Dans la tradition des jeux de type metroidvania, dont Hollow Knight est sans doute l'un des exemples les plus aboutis, on visite le monde assez librement, quoique dans la limite de ses capacités, ce qui nous permet d'obtenir progressivement de nouvelles aptitudes (sauter plus loin, grimper aux murs, etc) qui nous ouvrent l'accès à des zones hors d'atteinte auparavant. Ce principe de game design nous amène fréquemment à revisiter des zones déjà explorées précédemment, afin d'en poursuivre l'exploration grâce à ces nouvelles capacités. Par la même occasion, on réalise que des ennemis qui nous semblaient coriaces quelques heures plus tôt paraissent désormais triviaux, ce qui est une manière très concrète (et agréable, il faut le dire) de nous faire ressentir notre progression dans la maîtrise du jeu.
Partiellement financé via une campagne Kickstarter, Hollow Knight est l'enfant du studio australien Team Cherry, constitué en tout et pour tout de trois développeurs ou artistes (sans compter le compositeur des magnifiques musiques). L'un d'entre eux vient du milieu de l'animation, ce qui explique le style visuel très distinct du jeu, avec ses personnages animés à la main et ses arrière-plans souvent magnifiques. Les différentes zones que l'on visite, des Routes Oubliées au Nid Profond en passant par la Cité des Larmes ou les Jardins de la Reine (pour n'en citer qu'une poignée), ont toutes une couleur dominante et un style visuel distincts, ce qui aide beaucoup à se repérer dans ce monde labyrinthique. Ces différentes zones s'accompagnent d'ailleurs souvent de leurs propres mécaniques de jeu, ce qui contribue encore à les différencier, tout en renouvelant régulièrement l'intérêt du joueur.
L'histoire de Hollow Knight est étonnamment développée et même envoûtante, même si, à la manière d'un Dark Souls, elle ne se dévoile pas facilement, éclatée en une myriade de fragments que l'on devra reconstituer patiemment (ou en visitant Youtube pour profiter du travail des passionnés qui sont passés par là avant nous) pour découvrir une mythologie riche et évocatrice, et une histoire qui remonte aux origines du monde —ou ce qui passe pour l'origine du monde aux yeux d'un insecte. Les dialogues sont plutôt rares et généralement brefs, mais l'écriture est toujours fine et fait souvent preuve d'un humour mordant qui contraste très agréablement avec la tonalité menaçante et souvent lugubre du jeu.
Mais que le style mignon des dessins ne vous trompe pas : Hollow Knight est aussi un jeu de combat et de plateforme qui peut s'avérer d'une difficulté absolument brutale, particulièrement face à certains boss et lorsqu'on approche de la "bonne" fin du jeu. J'ai réussi à terminer le fameux Palais Blanc, ce qui constitue déjà une petite source de fierté pour moi, mais je sais que je ne tenterai même pas le Chemin de la Douleur (long segment de platforming d'une difficultè extrême et sans aucun point de sauvegarde), et je ne sais pas si j'arriverai à bout du "vrai" boss de fin.
Malgré cela, je ne regrette pas une seule seconde passée dans ce jeu, et je n'oublierai pas de sitôt son ambiance tantôt mélancolique, tantôt frénétique, son univers fascinant et ses innombrables secrets.

Her Story
- Année
- 2015
- Progression
- Terminé
Mini-jeu réalisé par un seul homme (ou presque), Her Story est une histoire d'enquête dans laquelle on essaye de reconstituer le déroulement des faits dans le cadre d'une histoire de meurtre, sur la base d'informations partielles et éclatées.
L'essentiel de la narration se fait au travers de courts segments vidéo, mettant en scène Hannah, une femme interrogée par la police à différentes dates. Si l'histoire que l'on reconstitue progressivement n'est pas de la plus grande originalité (ça se discute), c'est la manière dont les informations sont amenées qui font l'intérêt du jeu.
Pour des raisons plus ou moins fumeuses mais que l'on accepte parce que c'est comme ça, les interviews ont été découpées en brefs segments vidéo : chaque segment correspond à la réponse donnée à une question, mais on n'entend jamais la question elle-même. Par ailleurs on accède à ces vidéos via un moteur de recherche à l'interface archaïque, qui nous permet de chercher des vidéos par un système de mot-clé (en fonction des mots prononcés par la femme) mais refuse de nous afficher plus de cinq résultats, toujours dans le même ordre, pour une recherche donnée.
Sachant qu'il y a près de 300 segments vidéo au total, on va devoir multiplier les recherches sur des mot-clés plus ou moins précis afin d'obtenir l'accès à toujours plus de vidéos. Ce faisant, on se retrouve à prendre des notes en écoutant Hannah, afin de se souvenir de mot-clés que l'on voudra explorer plus tard, et on biffe consciencieusement les mots dont on a déjà épuisé toutes les ramifications.
Le fait que l'histoire soit découpée en micro-segments que l'on découvre dans le désordre permet de lancer le joueur sur plusieurs fausses pistes, ce qui donne lieu à des moments de soudaine réalisation qui sont assez agréables. Ce tronçonnage et cette décontextualisation des informations offrent également une base de réflexion assez intéressante sur notre tendance à tirer des conclusions à partir d'informations partielles ou sur l'impossibilité des certitudes absolues.
Au-delà de ça, le jeu n'exige véritablement rien du joueur (il n'y a aucun test des connaissances acquises, on peut accéder au générique de fin n'importe quand à partir d'un certain nombre de vidéos visionnées) et sa rejouabilité est évidemment très faible, ce qui en fait au final une expérience plutôt anecdotique, bien qu'intéressante d'un point de vue narratif.

Sayonara Wild Hearts
- Année
- 2019
- Progression
- Terminée
"A pop album video game", comme il se définit lui-même, Sayonara Wild Hearts est un jeu du studio suédois Simogo. On y joue une jeune femme en quête d'elle-même suite à une rupture amoureuse brutale qui lui a brisé le coeur. Propulsée dans un monde onirique à l'esthétique disco-flashy, elle va devoir affronter ses anciennes relations afin de pouvoir se reconstruire, le tout via le prisme des cartes du tarot. L'histoire (et son esthétique) peut sembler un peu fleur bleue, mais elle donne lieu a des moments très réussis, et en particulier un très, très joli retournement final, à la fois au niveau thématique et au niveau du gameplay.
Sayonara Wild Hearts est un jeu de rythme et d'obstacles dans lequel la musique (des compositions originales de pop pulsante, sucrée et entraînante) est mise en avant du début à la fin. Les contrôles sont d'une extrême simplicité mais n'empêchent pas le gameplay de se renouveler fréquemment au cours des vingt-trois niveaux que compte le jeu. Il en résulte une expérience très sensorielle, dynamique et rafraîchissante. Mon segment préféré est probablement "Parallel Universes", et ses obstacles qui apparaissent au rythme des claquements de doigts des deux ennemis : déstabilisant au premier abord, mais très simple dès qu'on entre dans le rythme de la musique.
Le rythme varie considérablement d'un niveau à l'autre. Il est souvent effréné au point d'en être grisant, mais la difficulté n'est jamais insurmontable. Au contraire, le jeu se veut visiblement très inclusif : si l'on échoue à éviter un obstacle, on recommence immédiatement (et sans pénalité) quelques secondes plus tôt; et si l'on échoue de manière répétée sur le même segment, le jeu nous demande si on veut sauter ce segment pour passer directement au suivant.
Le jeu est très court (on le termine en moins d'une heure et demie) et découpé en niveaux de quelques minutes chacun, ce qui contribue d'autant plus à le rendre accessible au plus grand nombre. On peut très facilement y jouer un quart d'heure, puis le mettre de côté et s'y replonger dès qu'on a un petit moment.
Pour autant, il est tout à fait possible d'y trouver un certain défi pour celles et ceux qui le souhaiteraient : on a un score affiché à la fin de chaque niveau (que le jeu nous incite à dépasser), divers objets optionnels plus ou moins difficiles à attraper, et un certain nombre de défis, également optionnels, dont chaque intitulé constitue une petite énigme à résoudre. On ne va pas prétendre que c'est un jeu d'une extrême difficulté, mais dans l'ensemble il offre une rejouabilité tout à fait correcte.

Disco Elysium
- Année
- 2019
- Progression
- This is the end.
Pour terminer l'année en beauté, quoi de mieux qu'une plongée dans la psyché torturée d'un flic alcoolique en pleine crise de la cinquantaine qui cherche désespérément à donner du sens à son existence délabrée dans un monde complètement chaotique ? C'est une question rhétorique évidemment, car la réponse est rien. Il n'y a rien de mieux.
Sorti du petit studio estonien ZA/UM, dont c'est le tout premier jeu, Disco Elysium renoue fièrement avec l'esprit et les principes du jeu de rôle traditionnel (tabletop, autour d'une table), dans lequel la narration occupe le tout premier plan, régulièrement entrecoupée de jets de dés qui déterminent le déroulement de l'histoire. Disco Elysium est d'ailleurs une adaptation d'un jeu de rôle "papier" développé durant des années par son créateur principal, l'écrivain Robert Kurvitz. Il hérite donc d'un univers entièrement original et déjà très fouillé, et d'une qualité d'écriture hors du commun.
On se réveille à moitié nu et à même le sol d'une chambre d'hôtel saccagée, affligé d'une gueule de bois d'une violence telle que le simple fait d'allumer la lumière nous fait perdre un point de vie. Une gueule de bois tellement puissante qu'elle a complètement oblitéré tous nos souvenirs : qui sommes-nous, où sommes-nous, que faisons-nous là, qui a détruit notre chambre d'hôtel, dans quel univers vivons-nous, pourquoi devons-nous payer pour notre chambre, qu'est-ce que "l'argent" et qui a bien pu inventer un concept aussi diabolique... Autant de questions que l'on aura l'occasion de se poser (voire de poser à divers personnages qui ne cacheront pas leur perplexité) dès la première heure de jeu.
Mais avant cela, il faut construire notre personnage. Dans la grande tradition des jeux de rôles, on commence avec un certain nombre de points de compétence que l'on peut attribuer librement dans quatre grandes catégories : intelligence, psyché, physique et motricité. Chacune de ces catégories contient six compétences, pour un total de vingt-quatre. Certaines sont assez simples à comprendre, d'autres sont plus ésotériques, mais toutes vont jouer un rôle au cours du jeu.
Et quand je dis qu'elles vont jouer un rôle, je veux dire : littéralement. Car l'une des grandes originalité de Disco Elysium, c'est que chacune de ces compétences est un personnage qui peut intervenir dans nos dialogues intérieurs et très concrètement influer sur le déroulement de l'histoire, en nous apportant des informations importantes ou triviale, et en ouvrant ou fermant des possibilités narratives (via des jets de dés gérés par le jeu). Si votre sens de la Rhétorique est trop faible, vous serez peut-être incapable de comprendre que votre interlocuteur fait preuve de sarcasme, ce qui peut vous fermer des avenues d'investigation, voire même carrément vous lancer sur de fausses pistes. Mais une compétence peut aussi être trop développée pour votre propre bien : un sens de l'Autorité très élevé vous aidera à vous faire respecter, mais cherchera également à rabaisser chacun de vos interlocuteurs, ce qui n'est pas toujours productif. Des connaissances encyclopédiques peuvent vous apporter des éclairages précieux pour l'avancement de votre enquête, mais elles peuvent aussi vous noyer dans un torrent d'informations inutiles qui masquera l'essentiel. Et ainsi de suite.
Ce système, couplé à une densité d'écriture et de ramifications narratives absolument impressionnantes (Kurvitz, entouré de huit autres auteurs, a écrit près d'un million de mots), fait de Disco Elysium une expérience qui peut varier considérablement d'un joueur à l'autre. Et le fait qu'une grande partie des dialogues prennent place dans la tête de votre protagoniste permet au jeu de prendre fréquemment une tournure surréaliste, par exemple sous la forme de discussions avec des objets inanimés. Votre cravate horrifiante a des opinions bien tranchées sur de nombreux sujets, et n'hésitera pas à s'inviter dans vos dialogues intérieurs (pour peu que vous la portiez au cou).
Dire que Disco Elysium est un jeu inhabituel est donc un euphémisme. Mais malgré son côté déjanté et un peu fourre-tout, il sait rester cohérent, et la plupart des histoires périphériques qu'il met en place trouvent une conclusion satisfaisante, parfois surprenante et généralement en lien avec la trame principale. Et si l'humour en constitue indéniablement un aspect important (jamais je n'ai autant ri devant un jeu), c'est souvent sous la forme de "politesse du désespoir" qu'il se manifeste. En son cœur, Disco Elysium est un jeu existentialiste sur les vertus de l'échec et la nécessité de se reconstruire sur les décombres de notre propre existence, dans le chaos des voix contradictoires qui nous constituent, face à un monde absurde et indifférent. Condamnés à être libres, dérisoires, et beaux.
Voilà, c'est la fin de ma sélection. Quelque mentions supplémentaires, vu que cet article n'était pas encore assez long :
Pas joué mais je les garde à l’œil
- Outer Wilds
Très impatient de tester celui-ci, mais je préfère attendre une sortie sur Steam. Si j'en crois les critiques, il entrera très facilement dans ma liste des jeux 2020. :) - Untitled Goose Game
Peut-être plus anecdotique, mais semble original et marrant. - Manifold Garden
Vraiment très joli et avec des concepts vertigineux assez intrigants. Reste à voir si cela va plus loin que ça. - What the Golf
On joue au golf avec des objets de plus en plus absurdes : ballon de foot, chaises de bureau, maisons, etc. Le concept est poussé très loin et ça semble assez délirant.
Pas fini
- Dark Souls 2
J'y ai joué presque jusqu'à la fin mais je m'en suis lassé à un moment donné (face à un boss invisible peut-être lié à un DLC). Pas un mauvais jeu, mais de loin pas mon Dark Souls préféré. Le combat y est plus lent que dans les autres opus, et les ambiances beaucoup moins obsédantes. - Red Dead Redemption 2
Acheté, installé, lancé, passé une heure sur des forums d'aide, lancé, contacté le support technique, lancé, lancé, lancé, réussi à commencer à y jouer. J'ai terminé la phase de tutoriel (dans la neige) et ensuite entamé une mission, mais je n'ai vraiment pas réussi à m'y intéresser davantage et je n'ai pas eu le courage de m'investir dans un jeu aussi gigantesque et complexe. Je passe sans doute à côté d'un chef-d’œuvre, mais que voulez-vous, c'est la vie. - Devil May Cry 5
Très joli et bien fait, mais ce style de combat où il faut apprendre d'innombrables combos n'est pas vraiment pour moi, et l'écriture kitschissime (même si elle est assumée, je suppose) ne m'a pas vraiment aidé à vouloir continuer.
Attentes pour 2020
- Poids lourds :
- Doom Eternal
Le reboot Doom de 2016 était une grosse surprise et l'un des FPS les plus jouissifs jamais réalisés. On n'en attend pas moins de cette suite. - Death Stranding
Pas exactement une nouveauté puisqu'il est sorti en 2019 sur console, mais là on parle de la sortie PC. D'après les critiques c'est un jeu atypique et plutôt contemplatif avec une belle réflexion sur la notion de collaboration, et je suis curieux de voir ça. - Cyberpunk 2077
Après l'incroyable réussite de The Witcher 3, on attend CD Projekt Red au tournant. Pour ma part c'est surtout l'univers futuriste et cette ville gigantesque et toute en verticalité qui me fait saliver. - Horizon Zero Dawn
Peu de jeux m'ont autant donné envie de m'acheter une PlayStation que celui-ci (avec Bloodborne et God of War, disons). Sa sortie sur PC vient d'être confirmée, ce qui va simplifier la vie de mon portemonnaie. :)
- Doom Eternal
- Indés :
- Sable
Style visuel magnifique très inspiré de Moebius, mais on n'en sait pas beaucoup plus sur le jeu à proprement parler pour l'instant. Wait and see. - Haven
Un peu comme le précédent : semble très joli mais je n'en sais pas beaucoup plus, donc je verrai ce qu'en disent les critiques à sa sortie. - Twelve Minutes
Un "thriller interactif" au concept intrigant (une histoire de douze minutes qui se répète avec des variations).
- Sable
Et pour le reste, on verra ce qui se présente au cours de l'année —sans compter les nombreux jeux qui sont toujours dans ma wishlist. Trop de choix, pas assez de temps !
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